Personnalisation : jusqu’où ne pas aller trop loin ?

Il semblerait que depuis des années on essaie de démontrer que la personnalisation est l’une des clés pour un marketing réussi. Il n’est donc pas étonnant que l’Intelligence Artificielle, nouvelle venue, en fasse l’un de ses chantiers prioritaires en 2019. Au-delà de l’aspect technique de la chose, c’est sur le principe même que je veux m’attarder aujourd’hui. Celui de la quête de la Personnalisation à tout prix. On fait toujours comme si la question était traitée, comme si le débat était clos, sans même l’avoir abordé. Comme si le vrai sujet ne tournait qu’autour du savoir-faire en IA ! 88% des entreprises françaises interrogées citent la personnalisation parmi leurs priorités, selon l’étude “Context is Everything” (Adobe – novembre 2018)**. Et de conclure qu’« il existe un écart important entre la volonté de proposer aux clients une expérience shopping plus personnalisée, d’une part, et la réalité d’autre part , que les marques souhaitent combler grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle et notamment une meilleure gestion de leurs données. »

Permettez-moi d’émettre quelques réserves sur le bien-fondé de « la personnalisation à tout crin » qu’aujourd’hui on place au coeur de toutes les stratégies marketing.

Premièrement. Le focus sur la personnalisation ne fait-il pas courir le risque de restreindre le choix proposé aux consommateurs et de les enfermer ainsi dans des propositions trop limitées ?

A-t-on vraiment envie de se voir proposer toujours les mêmes séries d’offres dites « sur-mesure », dictées par l’analyse de son « Profil Data » ? Le consommateur ne voudrait-il vraiment que des produits irrémédiablement liés à son profil ? Ne préférerait-il pas « aussi » être surpris, voire séduit pas d’autres possibilités, même si elles devaient être connexes ?

L’ultra personnalisation pourrait lasser le consommateur en agissant tel un « rabat joie », prenant le risque de le voir s’échapper …

Qu’est-ce qui fait l’attrait du shopping, qu’il soit sur le Web ou dans la rue, virtuel ou réel ? Qu’est-ce qui pousse à flâner dans les rues commerçantes ou les centres commerciaux ? A surfer sur des sites marchands, les anciens comme les nouveaux ? N’est-ce-pas l’envie de se laisser surprendre, le plaisir d’être happé par autre chose, d’être tenté, au hasard d’une navigation ou d’une promenade ? 

En bref, l’achat ne peut pas, dans tous les cas, être réduit à une démarche strictement utilitaire.

L’objectif est, certes, de fidéliser en satisfaisant des besoins, des attentes, mais aussi de ne pas omettre de … surprendre … car ça aussi c’est une attente.

L’IA peut grandement y aider !

Deuxièmement. Quand on érige la personnalisation en but ultime, on pourrait avoir tendance à s’appuyer sur les besoins exprimés par le client, au travers de ce qu’il peut déclarer spontanément (sondages et études quantitatives). On aurait pu supposer que le client était le mieux placé pour savoir ce qu’il veut … Ce qui est très loin d’être évident …

 De nouvelles approches marketing « participatives » voient le jour : elles ont pour but d’impliquer directement le client dans le processus de création de biens et servicesCrowdsourcing, crowdfunding, co-production, co-design, co-innovation, engagent la participation des clients, comme parties prenantes de l’offre.

Pourtant, le client sait-il bien ce qu’il veut ?

Heureusement que les approches qualitatives approfondies existent : elles ont souvent permis de donner naissance à des offres qui, elles-mêmes, se sont chargées de révéler la demande …

Ainsi les études de marché sont en profondes mutations : prises en tenaille entre l’inefficacité grandissante des techniques de collectes quantitatives et celles qualitatives, opérant de manière beaucoup plus approfondie, mais nettement plus onéreuses …

Et c’est bien là que l’IA peut donner une nouvelle dynamique grâce à une approche encore plus féconde et toujours moins coûteuse.

Troisièmement. Mais comment et où trouver la bonne matière première pour alimenter pertinemment l’IA pour une personnalisation toujours plus appropriée et plus dynamique ?

Il est inutile de revenir lourdement sur le RGPD et les nombreux scandales de disparitions et détournements de données personnelles … Ainsi, l’utilisation des données personnelles est en train de devenir de plus en plus « délicate » pour deux ensembles de raisons :

+ désormais, le RGPD encadre de manière rigoureuse leur collecte et leur utilisation. Ce qui va les rendre plus rares et plus chères …

+ leur utilisation trop ostentatoire peut générer chez le consommateur un sentiment d’intrusion dans sa vie privée très vite insupportable …

C’est ainsi qu’il faudra de plus en plus savoir utiliser des données autres que personnelles, réellement discriminantes, suffisamment prédictives et en très grand nombre pour bâtir ces nouvelles offres personnalisées de demain.

Je suis persuadé que, là encore, seule l’IA est en mesure de le faire !

Mais ceci est une autre histoire …

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** https://www.e-marketing.fr/Thematique/ia-1250/Breves/La-personnalisation-chantier-de-l-intelligence-artificielle-en-2019-335095.htm##o6U5jlYZxb6CiZxR.97